À Besançon, des conflits opposent depuis un certain temps plusieurs collectifs engagés pour la cause palestinienne. D’un côté les meneur⋅euses de l’association Palestine-Amitié et du Comité Palestine élargi, de l’autre côté le groupe local de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) ainsi que le journal indépendant le Ch’ni et particulièrement un de ses fondateurs, Toufik-de-Planoise. Ce dernier ayant dénoncé les dérives antisémites de certains membres du collectif Palestine élargi, ceux-ci l’accusent en retour d’être à la fois un diffamateur et un agent à la solde du Mossad (un « Sayanim » pour être précis⋅es). Un article rendant publique ces critiques a été publié dans le Ch’ni en octobre dernier : Le Collectif Palestine de Besançon questionné sur ses complaisances antisémites (https://www.lechni.info/20241022/le-collectif-palestine-de-besancon-questionne-sur-ses-complaisances-antisemites/). Le conflit a continué de gonfler, scindant en deux rassemblements la mobilisation du 9 juin contre l’arrestation des membres de la flottille de la liberté et l’instrumentalisation de l’aide humanitaire par l’État d’Israël (https://www.lechni.info/20250610/en-solidarite-avec-la-flottille-pour-gaza-deux-rassemblements-a-besancon/). Ce 11 juin 2025, la rédaction du Ch’ni a reçu par mail une menace de mort. Les auteur⋅ices de ce qui est considéré comme des calomnies sont comparé⋅es à une « guêpe » qu’il faut « assurément tuer » (https://www.lechni.info/20250612/vise-par-des-menaces-de-mort-le-chni-depose-plainte).
En réponse à cette menace de mort, l’AFPS a proposé par mail à l’Infokiosque de Besac d’être signataire d’un communiqué de soutien au journal. Si nous n’avons pas signé ce communiqué, ce n’est pas parce que nous ne voulons pas apporter notre soutien au Ch’ni, mais parce que nous ne nous retrouvons pas dans cette pratique consistant à signer des appels et communiqués écrits par d’autres (lire notre texte d’explication ici).
Si nous étions déjà navré⋅es d’entendre des personnes qui soutiennent la Palestine lire, à l’occasion de rassemblements publics, des textes émanant de la fachosphère, nous ne pensions pas que ces derniers iraient jusqu’à épouser avec autant de zèle leurs pratiques en prenant pour habitude d’appeler Toufik-de-Planoise par son nom de naissance. Pour rappel, des militant⋅es d’extrême droite ont mené très récemment une campagne de harcèlement contre Toufik-de-Planoise après avoir mis la main sur son identité administrative. Divulguer à tout va cette identité l’expose donc à une continuation de ces pressions et donne des outils à nos ennemis communs.
Et à moins de baigner dans une réalité parallèle totalement complotiste, Toufik-de-Planoise n’est ni un « Sayanim » ni un « fasciste » ou un « espion », et encore moins le « fils spirituel de Nétanyahou » comme le déclament tour à tour les meneur⋅ses du Collectif Palestine élargi. Ces élucubrations mensongères sont destinées à le désigner comme cible et à le disqualifier plutôt qu’à ouvrir un débat. Et pour nous cela confirme amplement les accusations d’antisémitisme portées contre elleux. Cela nous laisse aussi penser que, dans l’hypothèse où ces meneur⋅euses rouge-brun ne seraient pas à l’origine des menaces de mort à l’encontre des rédacteur⋅ices du Ch’ni, iels portent au minimum une responsabilité dans la mise en danger d’un militant pro-palestinien.
La situation actuelle est symptomatique de la médiocrité d’une poignée de militant⋅es (les meneur⋅ses des collectifs ne représentent qu’elleux-mêmes à nos yeux) qui préfèrent s’acharner pour conserver leur hégémonie sur les milieux de gauche plutôt que de se remettre en question en tant qu’individu et en tant que collectif. Leur réaction aux accusations lancées par Toufik-de-Planoise est aussi affligeante que significative : « c’était y’a lontemps » (alors qu’une partie des faits datent de quelques mois) et « c’est sorti de son contexte » (pour des propos qui se suffisent à eux-mêmes). Plutôt que d’assumer leurs torts et d’envisager une lutte pour la Palestine débarrassée de ces dérives complotistes et antisémites, iels s’enlisent dans une défense stalinienne : selon elleux, toute personne apportant une critique est un⋅e fasciste au service d’Israël.
Mais aussi gerbant que soient ces menaces de mort ou les propos antisémites tenus par des membres du collectif Palestine élargi, nous sommes critiques du recours à l’État pour régler nos différents politiques. Porter plainte revient à demander à la police et la justice de résoudre les conflits idéologiques internes aux mouvements sociaux, alors qu’on sait pertinemment que ça ne fera que les aggraver. Nous voulons penser nos engagements politiques sans ces institutions mortifères, en les combattant et en développant des alternatives. De plus, dans un contexte de criminalisation des initiatives pro-palestiniennes (censures, intimidations, condamnations, dissolutions etc.), leur offrir une fenêtre d’observation sur le milieu militant bisontin et ses dynamiques risque plus, à notre avis, d’accentuer la répression sur l’ensemble d’entre nous que de résoudre nos problèmes.
Pour finir, si nous n’affichons pas notre soutien en bas du communiqué de l’AFPS, nous ne sommes pas neutres pour autant. L’Infokiosque de Besac veut faire exister des solidarités internationales depuis les centres impérialistes où nous vivons, et nous préférerons toujours le faire aux côtés de celleux qui dénoncent l’antisémitisme qu’avec celleux qui fricotent avec l’extrême droite (peu importe le pays) où la haine des juifs et le complotisme se croisent.
Et plutôt que poser une signature, nous préférons être présent⋅es sur le terrain, dans les rassemblements et les manifs, organiser ou co-organiser des événements, éditer et distribuer des brochures et revues anticapitalistes, anticoloniales et pro-palestiniennes, soutenir financièrement quand nous le pouvons, faire jouer nos réseaux pour trouver du soutien matériel ou de l’hébergement… Et écrire des textes nous-mêmes (comme ici) quand cela nous paraît nécessaire et que nous pensons pouvoir contribuer d’une manière ou d’une autre au débat.
L’Infokiosque de Besac